En automne 2024 je suis par hasard tombé sur le titre d'un livre qui m'a directement attiré : "Théorie Mathématique du Bridge", à la portée de tous.
C'est surtout son auteur auquel j'ai accroché : Emile Borel.

Je le connais de réputation et surtout par le théorème mathématique qui porte partiellement son nom : le théorème de Borel-Lebesque.
Tous deux mathématiciens français de la fin du dix-neuvième siècle, illustres en mathématiques, entre autre dans le domaine de la Topologie.

J'ai activement cherché sur la Toile s'il était possible de me procurer cet ouvrage. 
Mes recherches m'ont d'abord amené à un exemplaire original, de la première édition (mars 1940), pour le prix de cent-vingt euros, un peu trop cher pour ma bourse !
Ensuite un site Internet français le proposant aux environs de soixante euros, je le leur commandai.
Mais après deux mois, on me signala des difficultés pour l'obtenir et j'abandonnai cette piste.
Finalement, fin mars 2025, je trouvai, toujours sur Internet, un exemplaire de la seconde édition (1955) et je le reçu par la poste, deux semaines plus tard, pour une somme de soixante euros également.
 
C'était ce matin et, depuis, j'ai déjà dévoré le premier chapitre intitulé "Sur le battage des cartes".
D'emblée le ton est donné, et vous comprenez rapidement qu'on ne jouait pas de la même façon au bridge il y a un siècle que maintenant !
Par exemple, on ne gardait pas ses cartes jouées devant soi, dans un sens (levée faite) ou l'autre (levée perdue) : les plis étaient engrangés par celui qui les faisait, au fur et à mesure.
Ainsi, quand on ramassait les cartes, ou plutôt les plis une fois la donne terminée, le paquet des cartes reprenait donc les plis les uns derrière les autres, avant le mélange, d'où l'obsession de l'auteur à vouloir que le mélange des cartes efface complètement, autant que faire se peut, l'histoire de la donne.
Il invoque ainsi la possibilité de joueurs à la mémoire phénoménale, de retenir comment la donne a été jouée, pour pouvoir, si le mélange fait ensuite est "faible", positionner statistiquement des cartes ici où là.
 
L'auteur nous entretien de deux techniques de battage, qu'il nomme A et B, mais cela aurait dû être A et F : mélange à l'Américaine et à la Francaise !
Je ne vous rappelle bien sûr pas de quoi il s'agit, vu que de précédents hebdobridges en ont déjà parlé !
 
Après de longues considérations mathématico-pratiques, l'auteur, Emile Morel, en arrive à la conclusion qu'une série de mélanges des cartes, façon américaine ou française, arrivent à un mélange "normal", après un certain nombre de tels mélanges.
Pour l'auteur, "normal" signifie que le mélange n'a plus rien à voir avec la position des cartes avant celui-ci.
Prenez un jeu neuf, ou les cartes sont dans l'ordre des couleurs du bridge (Pique, Coeur, Carreau et Trèfle) et de l'As au deux.
Mélangez à votre façon.
Ensuite, retourner votre paquet de cartes et faites les comptes suivants :
  • Cartes de même couleur en séquence : par exemple une Dame et un Valet de Pique qui se jouxtent, ou un 2 de Coeur à côté d'un As de Carreau. Statistiquement, si le résultat est d'une séquence, votre mélange est correct mais ...
  • Comptez aussi le nombre de séquence de cartes de même couleur, ainsi 10 - 9 de Coeur, c'est une séquence et Dame-Valet-Dix de Trèfle, ça en fait deux, etc... : douze séquences ou un rien de plus, et votre mélange est correct.

En pratique, l'auteur préconise six à dix mélanges à l'américaine (sur la base de vérifications expérimentales) : le nombre de six a bien été invoqué dans un précédent hebdobridge, youppie !

Emile Borel évoque ensuite le nombre de levées "homogènes" d'une donne, c'est-à-dire les levées ou les cartes sont toutes de la même "couleur". Sur une donne de treize levées, ce nombre est statistiquement de 6,8 levées contre 6,2 de levées non homogènes (donc avec défausse ou coupe). Ces valeurs sont purement statistiques et non basées sur des calculs mathématiques exacts, car cela dépend fortement de la façon donc les cartes ont été jouées.

Nous reparlerons certainement de ceci dans les hebdobridges suivants, inspirés bien sûr de cet excellent ouvrage !